Pogledi zatvorenih očiju vu par…

“Je suis tombé amoureux au premier son.”
C’est une phrase prononcée par l’une des personnes mal-voyantes dont ce court-métrage dépeint les perceptions sonores. Mais c’est aussi la citation que l’organisation du festival a choisie pour introduire cette jeune création et cela me semblait très risqué que de présenter le programme de la sorte, au risque de placer des attentes trop hautes en lui. J’avais tort de m’inquiéter.
Etudiant le son, il m’était compliqué de rater la seule projection de la semaine de ce court-métrage serbe établissant son concept autour du rapport au son que construisent les personnes aveugles ou mal-voyantes. L’important semblait en effet ici de retranscrire des sentiments, de créer des sensations, d’oublier son état de voyant pour entrer dans une empathie totale avec un monde inconnu.
Cela ne me semblait pas chose aisée mais pourtant Dora Filipović, réalisatrice, scénariste et designer sonore du projet, a réussi en l’espace de 20 minutes à proposer une expérience bouleversante complète.
L’image, principalement composée de taches de lumières colorées diffuses, formant des images floues quand le noir n’est pas total, se met merveilleusement au service du son. On ne peut plus se fier à sa vision, l’imagination et la culture sonore doivent prendre le dessus, aujourd’hui nous sommes tous mal-voyants dans la salle. Le son nous enveloppe, nous berce, nous traverse. Il nous surprend quand son niveau augmente, nous touche par l’intonation douce et émerveillée de ces protagonistes, nous émeut par la beauté que nous lui trouvons les yeux fermés.
Le travail effectué est porteur d’émotions réelles, d’une intensité prenante, nous laissant à la fin de la séance dans un état de fascination surprenant. L’approche est originale et pertinente, la réalisation est pensée pour être plus qu’une œuvre audiovisuelle relatant le rapport au son des personnes aveugles : c’est une expérience intelligente et émouvante qui nous pousse à repenser notre relation aux autres, au monde, qui nous conseille de clore nos paupières de temps à autre pour pénétrer dans le monde riche et plein d’espoir de ceux qui ne voient pas.

Julien Chouippe-Macé.

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