Zone blanche vu par…

Villefranche, petite ville isolée, quelque part dans l’est de la France, perdue au cœur d’une forêt gigantesque, dans laquelle il n’y a absolument pas de réseau téléphonique, n’est pas un village comme les autres. Taux d’homicides seize fois supérieur à la moyenne nationale, disparitions, arbres dont la sève tourne au rouge sanglant : rien ne semble tourner rond. La ville peut néanmoins compter sur Lauren Weiss, sorte de shérif à la française, responsable avec seulement trois autres agents de police des 37 cas d’homicides non résolus.
Ce premier épisode introduit relativement bien ses personnages : le nouveau procureur, sympathique et assez lâche, dont la mutation à Villefranche est une punition, le maire prêt à tout pour sauver sa ville, les gendarmes hauts en couleur, etc. Et, sans trop en faire, il dévoile un début d’intrigue typique des séries télévisées. En effet, plusieurs éléments surnaturels, fantastiques (des flashbacks qui semblent représenter une sorte de rite initiatique assez inquiétant) se mêlent à de la pure enquête policière (enlèvements, drogues, etc.) et à un peu de politique (écologie, emplois perdus suite à la fermeture d’une scierie) et l’on devine aisément que tous ces faits isolés seront très vite rassemblés et que le puzzle sera vite reconstitué.
L’épisode est d’une assez grande qualité, tant par le jeu de ses acteurs principaux, très convaincants, que par son scénario bien construit et son image très propre, lisse quand elle doit l’être mais aussi très agressive et inquiétante lorsqu’elle doit l’être. La lumière est aussi très bien gérée, les plans de nuit (et il y en a un nombre conséquent) ne semblent pas être tournés en nuit américaine et sont ainsi plus réalistes, et beaux, mais aussi d’autant plus terrifiants.
Malgré tout, l’épisode d’un peu moins d’une heure se livre à quelques facilités très regrettables. En effet, même si le montage respecte très bien le rythme du scénario, les violons et autres instruments semblant indiquer quand avoir peur sont très largement dispensables. De la même façon, un certain nombre d’acteurs secondaires ont  tendance à en rajouter beaucoup, ce qui donne un surjeu assez typique des malheureux clichés dont la fiction télévisuelle commence à souffrir. Mais ces quelques défauts seront vite balayés par une réalisation, certes classique mais diantrement efficace et un scénario qui s’annonce en béton, et, mine de rien, très original pour une série policière, française de surcroît !

Martin Lagnier.

La parade vu par…

Ce film d’une heure témoigne des coutumes des habitants du Nord Pas-de-Calais. La miniature sur le programme du FIPA m’a donné envie d’aller voir ce film car elle met en avant une voiture tunning et correspond au stéréotype rapide que l’on peut avoir sur les gens du Nord fans de tunning et finalement beaufs. J’ai aussi discuté avec un étudiant en master de documentaire qui m’a conseillé d’aller le voir. Le cadre de l’image m’a mis la puce à l’oreille sur un film dont l’esthétique est soignée, en effet dès le premier plan j’ai aimé l’image. J’ai vraiment apprécié le traitement du film qui utilise beaucoup de photographies et ensuite les anime avec des panoramiques voire des compositions. Les photos sont superbes avec du grain, ce qui évoque l’argentique. Le fait d’utiliser des photographies donne davantage d’importance à la voix off. Les personnages se présentent eux-même de leur propre voix, le documentaire donne la parole à ces gens qui sont fiers et passionnés par leurs coutumes. On découvre un jeune passionné de voiture et de mécanique, une famille qui se consacre aux spectacles de majorettes, une famille passionnée par les pigeons voyageurs et des hommes fiers d’assurer la parade des géants (les géants étant de grandes marionnettes représentant des proches). Ils se livrent sans complexes et certains en pleurent, tant l’émotion est grande. L’utilisation d’images et de la voix m’a fait penser à la réflexion que l’on a eue pour construire Histoire-histoires. En effet, dans ce film la voix nous apporte toutes les informations nécessaires pour comprendre les coutumes de ces gens, et le fond des leurs paroles nous montre à quel point ils sont passionnés. J’ai apprécié ce film grâce à sa construction, son esthétique et j’ai pu transposer la passion évoquée par ces gens à celle de mon beau-père, originaire du Nord Pas-de-Calais.

Florian Cuzacq.

VR noir vu par…

VR Noir : un scénario en un battement de cils

VR noir est une expérience de réalité virtuelle présentée dans le cadre du smart FIPA. Nous sommes plongés dans la peau d’une inspectrice privée new-yorkaise et c’est nous, spectateur, qui allons faire changer le scénario. En effet grâce aux mouvements de nos yeux le personnage peut récolter des indices, se déplacer ou interagir avec n’importe quel objet. Côté immersion, c’est déjà un grand bond en avant que nous offre cette expérience car jusqu’à présent la réalité avait (et a toujours) ses limites, mais évolue de manière très rapide afin de nous offrir les expériences virtuelles et sensorielles les plus immersives et réalistes possibles.

Luis Patard.

Free to rock, le rock américain vu par les Américains d’Amérique.

Une kyrielle d’éléments pourraient alimenter une critique positive de Free to rock. L’intérêt, et peut-être l’enjeu du documentaire, est le portrait qu’il fait non pas de la guerre froide, mais de l’un de ses prétendus illustres protagonistes : le rock. Un genre ayant traversé les actes répressifs et violents des autorités soviétiques qui souhaitaient le condamner.
Si le documentaire ne le dit pas clairement, c’est du camp américain que sera vue cette trajectoire, aussi regrettable que cela puisse paraître. L’occidentalisation musicale de l’URSS viendrait majoritairement, si ce n’est uniquement des Etats-Unis.
Cette absence assez brute de subtilité ne peut pas être imputée à une étroitesse d’esprit du réalisateur qui semble renseigné sur le sujet – douze ans pour le réaliser – et c’est là le point névralgique du documentaire.
Nous suivons l’odyssée égocentrique du rock’n’roll, menée par une voix off omniprésente qui écrase complètement la musicalité du documentaire. Nous écoutons aveuglément une histoire très synthétique, simplifiée et donc parfois inexacte. Les plans sans inspiration et les images d’archives pas toujours pertinentes s’enchaînent et sont oubliés à la seconde où ils disparaissent. L’américanisme du documentaire n’épargne aucun cliché : des interviews de Jimmy Carter surplombant trois drapeaux américains ou des élans patriotiques de mythiques groupes de rock américain envahissent en permanence l’écran. Le documentaire a la qualité de nous faire découvrir quelques groupes soviétiques mais n’en fait malheureusement pas profiter nos oreilles. Le rythme du documentaire se veut aussi rapide et violent que fut le rock d’antan mais finit par nous accabler tant il est répétitif. Si on ajoute les accusations sans preuves et inexpliquées du camp américain sur le camp russe, des raccourcis alarmants (Poutine associé à la liberté) et le manque de diversité de point de vue, on obtient une oeuvre prétentieuse et condescendante, qui ne suffit pas transmettre à ce qu’elle aurait dû partager : la démocratisation culturelle de l’URSS.

Milo Dumartin.

Pogledi zatvorenih očiju vu par…

Le film Pogledi zatvorenih očiju n’est pas construit grâce à l’image mais grâce au son. Les seules voix entendues sont celles de mal/non-voyants. Ils nous décrivent la façon dont ils perçoivent notre monde sans le sens de vue. L’un d’eux nous explique qu’il se repère avec le crissement des pneus sur le sol et les pas des autres piétons. Mais lorsque survient la pluie ou le vent alors le monde est flou, dénué de contours, un monde mélangé. Ces changements sont visibles à l’écran et à l’oreille bien sûr. Lorsque la pluie recouvre inexorablement le sol, tout apparaît flou et le vent cache en partie les paroles de cet homme non-voyant. Cependant l’ouïe permet, en l’absence de la vue, de découvrir un environnement sonore précis, riche et parfois poétique. Des tintements semblables à du verre mêlés à une musique douce et aérienne nous permettent de toucher du doigt la beauté du monde perçu par des gens qui n’ont pas la vie facile tous les jours.

Clément Desmoulin.

The Baulkham hills african ladies troupe vu par…

Au travers de son documentaire émouvant, Ros Horin, réalisatrice de « The Baulkham hills african ladies troupe », réussit à redonner la parole aux femmes qui l’ont perdue.
En effet, après avoir été victimes de sévices, quatre femmes africaines (Aminata, Rosemary, Yordy et Yarrie) vivent une vie difficile emplie de mépris pour leur corps et de  honte de leur passé qui les hante.
Ros Horin, présente tout au long du film par une voix off mais aussi au cours de la reconstruction psychologique de ces femmes, réussit à s’effacer pour les laisser emplir l’espace. De femmes détruites, nous découvrons à la fin de la projection de leur parcours,  et de la projection, des femmes épanouies, pleine de vie, soulagées de ce passé.
Une intimité est construite avec le spectateur lorsque ces femmes acceptent courageusement de partager leurs histoires. Elles nous apparaissent une à une face à la caméra pour nous adresser un message dans le secret de la salle de projection. Ponctués d’images d’archives, leurs témoignages saisissants nous émeuvent et nous font prendre conscience d’une réalité que nous connaissons peu.
De plus, la complicité établie entre ces femmes et la réalisatrice ne peut que rendre plus fortes les émotions transmises.
Ce documentaire retrace la construction d’une pièce de théâtre du même nom, dans laquelle ces ambassadrices communiquent leur vécu.
A la sortie de la salle, on ne peut qu’avoir envie de sauter dans le premier avion pour l’Australie et pour aller voir la pièce.

Charline Carbain.

Une caravane dans le désert vu par…

« Le dispositif est simple : une caravane est installée au milieu du désert. Un photographe convoque cinq artistes sous prétexte de réaliser une série de portraits. Les personnages arrivent, les uns après les autres, pour construire la Tunisie de demain : un graffeur, un religieux rappeur, un danseur et une danseuse, une vieille femme. Autant de visages de la Tunisie. Autant d’opinions différentes. »
Avec ce documentaire, le synopsis est important à rappeler, à relire, à interroger car les mots sont loin des faits. Le dispositif mis en place laisse entendre que nous allons nous retrouver face à six personnes, photographe compris, réunis afin de débattre sur la situation de leur pays post-printemps arabe et certainement créer, expérimenter ensemble autour des questions soulevées. Seulement l’art est ici mis de côté, transformé en prétexte pour attaquer une seule et unique problématique, celle de la religion et de la radicalisation islamique.
Les portraits de quatre des cinq artistes nous sont peints. Un problème : alors qu’ils nous sont tous présentés par leur art, l’un se distingue car désigné comme salafiste. Jamais il ne se détachera de cette catégorisation, jamais son propos ne sera mis en perspective. Seul face aux autres, sa foi est la tache noire à nettoyer, à éradiquer. La parole se libère par le conflit, tout est fait pour porter un regard accusateur sur cet homme. Le jeu de la provocation est fort que cela soit par les mots ou encore par la danse ; la jeune danseuse réalise une performance devant les quatre autres protagonistes sachant pertinemment que les premiers textes coraniques condamnent cette pratique. Elle affirme sa position, la personne qu’elle est grâce à son art dans l’irrespect ou du moins la non prise en compte des convictions d’autrui. Cela lance alors le débat qui aurait pu se dérouler dans la bienveillance des points de vue, seulement le choix de la confrontation est fait et ne permettra à aucun moment de faire avancer les pensées.
Le traitement du film et les partis pris de la réalisatrice vont bien évidemment dans ce sens. La mise en scène est flagrante, détachant le salafiste des artistes jusque dans leurs placements lors des discussions ; les quatre sont sur un banc, en ligne, le dernier face à eux, seul. Un système de confessionnal est mis en place dans la caravane, habituellement associé à la télé-réalité afin que les protagonistes puissent exprimer leur sentiment. Jamais le salafiste n’y participera. Une forte dramatisation est portée par la musique symphonique, très présente tout au long du film qui sacralise l’œuvre et fatalise d’autant plus le propos religieux.
Il est certain que la radicalisation par la montée de l’Etat islamique est un problème majeur dans ce pays. L’erreur du monde occidental a été de croire qu’une fois la révolution soit la guerre civile du printemps arabe passée, l’Etat islamique accepterait la démocratie. Hélas, ces deux systèmes politiques sont incompatibles et nous amènent à la situation de conflit que nous connaissons à l’heure actuelle. Seulement, le monde ne se veut pas manichéen et il semble impossible que l’évolution des mentalités n’ait pas amené à des questionnements et des remises en cause plus vastes que cela soit identitaire, idéologique, culturel, politique. Tous ces domaines se rencontrent autour de la religion mais peuvent également la surpasser et il est fort regrettable qu’ils n’y soient pas parvenus.
Alors, il est clair que les idées et doctrines de pensée du salafiste sont extrêmes, révoltantes, condamnables, mais la mise en scène dirigée dans un sens accusateur plombe le propos du documentaire et nous nous retrouvons contraints d’observer des gens se débattre pour affirmer leurs idées, s’entendant, jamais s’écoutant.

Chloé Garcia.

Ramona vu par…

Des personnages attachants et une histoire entraînante

Au Chili, à la fin des années 60 a lieu une importante réforme agraire. C’est dans ce contexte que commence Ramona. Deux jeunes sœurs, Ramona et Helga, fuient la campagne et la maison de leur père, violent et alcoolique, juste après la mort de leur mère. Elles arrivent à Santiago du Chili où elles se retrouves confrontées à la pauvreté. Elle font alors la connaissance de Carmen, une prostituée, qui décide de les prendre sous son ailes et de leur offrir un semblant de famille alors que toutes les trois vivent dans un bidonville et gagnent leur vie comme elles peuvent.
Les deux premiers épisodes diffusés lors du FIPA placent bien l’histoire dans son contexte en montrant avec justesse la misère et l’important exode rural qui a lieu à cette époque. Ils apportent aussi une jeunesse et une fraîcheur au monde des séries. En effet, les personnages principaux sont exclusivement féminins et l’âge de l’aînée ne doit pas dépasser les trente ans. Ensemble, elle forment un trio éclatant et soudé dans lequel Ramona et Helga se voient enseigné le rude mode de vie de la ville.
Le fait que les personnages masculins soient relégués au second plan les montre sous leur « vraie nature ». En effet ils nous sont montrés comme étant profiteurs, allant jusqu’à abuser de l’ignorance de la vie en ville des deux jeunes filles, alcooliques, adultères.
A la fin de la projection on ressort déçu car on aurait aimé que cela dure plus longtemps tant le fil de l’histoire, par sa construction et son intrigue, nous donne envie de voir la suite.

Antoine Boudou.

Im Efogsh kosem vu par…

Im Efogsh kosem (Si je rencontre un magicien) de Shaked Goren, issu de la Minshar School of Art, est un film dont la beauté esthétique n’a d’égale que sa puissance de montage.
A travers l’histoire du réserviste Omri, Goren met en place avec brio un véritable théâtre d’ombres et de lumières, qui viennent sublimer les scènes d’un récit intense et délicat.
Contrastes, reflets, couleurs, scintillements, tout se mélange dans les mains du réalisateur qui, armé de sa palette, peint son cadre avec raffinement et subtilité, à l’image d’un peintre esquissant un portrait.
Le portrait d’Omri, un jeune soldat israélien portant dans son regard de nombreuses questions existentielles comme l’orientation sexuelle, la frustration, la réticence et l’intégrité.
Reflet de sa pensée, la lumière danse et pulse autour de lui lorsqu’il désire, l’enveloppe et le couve d’une lumière solaire lorsqu’il pense, guide ses pas en filaments lorsqu’il marche et s’éteint finalement quand il s’oublie.
Véritable métaphore de la tourmente émotionnelle du personnage, la lumière prend encore une autre dimension, lors d’une scène où Omri observe sur un mur des ombres humaines marchant en file indienne jusqu’à lui.
Par un plan fixe laissant le temps à l’image de s’imprimer sur la rétine du spectateur, de se frayer un chemin jusqu’à son cœur, et par un ingénieux procédé sémiologique, la lumière ne devient alors non plus représentante d’Omri, mais de l’évolution humaine tout entière.
Lumière qui prendra également un rôle salvateur, puisque c’est elle qui mènera Omri vers les réponses qu’il cherche en la personne d’un musicien, qu’elle nimbera dans la pénombre, à l’image d’un phare fendant les ténèbres de la nuit.
Le tout associé à une justesse de montage sonore et rythmique, faisant écho à la puissance poétique de l’image, font de Im Efogsh kosem une véritable réussite et de Shaked Gorem, une personne dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Oyhan Latxague.

Australia’s shame vu par…

Australia’s Shame est un documentaire qui porte sur le traitement atroce que subissent les enfants aborigènes dans les prisons d’Australie, telles que la prison Don Dale. Le sujet de ce documentaire est grave et poignant, mais malheureusement dénigré par une construction maladroite du film et une mauvaise répartition du temps de parole disponible.
En effet, le montage du documentaire coupe la parole aux sujets du film. La présence et la parole de ces témoins est d’abord coupée à l’image durant les interviews, par l’utilisation d’un champ-contrechamp constant entre les aborigènes interviewés, et la journaliste. Cependant, il n’y a  aucun intérêt particulier à voir la journaliste lorsqu’elle pose des questions, à part l’utilité basique de montrer le visage de la personne qui parle, et sans compter certains plans des interviews dans lesquels on la voit alors qu’elle n’intervient même pas.
Elle est également présente à l’écran sur des plans en caméra épaule qui la montrent en train d’entrer dans la prison, de montrer les cellules dans lesquelles les enfants étaient isolés… Et même lorsqu’elle interroge un des adolescents via Skype, le montage de cette séquence inclut à répétition des plans d’elle devant son ordinateur, et des plans chez l’adolescent interrogé dans lesquels on ne le voit qu’en amorce et de dos ou de 3/4 alors qu’on la voit elle sur l’ordinateur, surcadrée par les lignes de l’écran.
Le temps d’apparition des personnes à l’écran est monopolisé par la journaliste plutôt que par les personnes qu’elle interviewe et qui sont censées être le sujet même du documentaire. L’utilisation à outrance des plans qui la montrent dans le montage ne sert qu’à renforcer la présence de la journaliste de façon totalement illogique en en faisant la protagoniste d’un documentaire qui cherche à dénoncer les violences faites aux aborigènes.
En effet, même lorsque l’on sort des interviews et que le montage inclut des images d’archives des caméras de sécurité de la prison, c’est la voix de la journaliste qui prend encore une fois le dessus à défaut de sa présence à l’image.
La voix est constamment présente dans ce film. On peut entendre les différentes voix des personnes interviewées, mais en très grande majorité la voix de la journaliste, durant les interviews mais surtout en voix off, une voix off qui prend le relais dès que les personnes à l’écran s’arrêtent de parler.
Il n’y a ainsi quasiment pas un moment sans aucune voix dans ce film, ce qui fait que l’esprit du spectateur est constamment dirigé par une voix qui le fait regarder là où elle souhaite qu’il regarde. Le spectateur n’a pas le temps ni le loisir de réfléchir à ce qu’il voit car la voix off le lui dit avant, elle décrit tout ce qu’il voit déjà à l’écran, dramatisant chacune des images ou évènements du film de telle sorte que le sujet perd de sa gravité en devenant presque une parodie d’un mauvais reportage de journal télévisé avec une voix off semblable à celle d’un automate, ou à une audio-description pour mal-voyants.
Cette accentuation du drame fictionnalise le sujet du documentaire en le désancrant de la réalité dans laquelle il est pourtant bien inscrit.
De plus, la voix qui est la plus envahissante et qui a le plus de temps de parole dans ce film est la voix de la journaliste, à la fois en son in et en voix off, une voix qui n’a pas vécu ce dont elle parle et qui ne ne laisse que peu de place et de temps de parole aux voix des personnes qui ont vécu l’isolement et la torture de Don Dale, et qui sont celles que l’ontsouhaiterait vraiment entendre.
L’histoire de ces enfants et adolescents est déchirante et inhumaine, et mérite évidemment que l’on en fasse un documentaire, mais un documentaire dans lequel leur parole est entendue et leur histoire expliquée comme elle se doit de l’être.

Juliette Musch.