Once Aurora vu par Clémence Auzi

Aurora est une jeune artiste norvégienne. Sa voix cristalline et son univers hors du commun – que j’ai instinctivement envie de qualifier d’elfique à cause de l’aura particulière de la chanteuse et de son rapport étroit à la nature – ont fait d’elle il y a quelques années une icône de la musique pop dans le monde entier. Hélas, si ses chansons ont bercé mon adolescence, elles lui ont arraché la sienne. A à peine vingt ans, Aurora, la jeune fille, a disparu derrière AURORA, l’artiste.

Grâce à des séquences au montage rapide et saccadé, Once Aurora illustre le succès fulgurant de cette jeune fille qui subit quotidiennement une célébrité qu’elle n’a jamais désirée. A seize ans à peine, l’un de ses amis poste sur Internet une vidéo d’elle performant une chanson originale. La vidéo devient virale et un producteur de musique décide qu’il fera d’elle une artiste – une star. « C’est arrivé comme ça. Je n’ai jamais voulu être une artiste », explique-t-elle.

Le documentaire nous propose ainsi un regard dans les coulisses de l’artiste, presque par le trou de la serrure, faisant de nous des spectateurs intrusifs de son intimité. En effet, Aurora cède à plusieurs crises de pleurs et de panique devant la caméra, alors même qu’elle a pris soin de s’isoler du reste de son équipe. Elle supporte mal les tournées, la pression des concerts et des rencontres avec les fans. Le portrait dressé est bouleversant car ma vision en tant que « fan » s’était toujours limitée au sourire qu’elle force pour ses admirateurs. Inutile de dire que je ne soupçonnais pas ses fréquentes crises d’angoisse en coulisses. Ces scènes sont d’autant plus poignantes qu’elles sont appuyées par une bande sonore révélatrice du tumulte de ses sentiments. La réverbération, c’est l’étourdissement. La panique, ce sont des bruits inquiétants, acousmatiques et non identifiés (voire non identifiables). La scène d’anxiété la plus marquante la met en scène en train de se frapper la poitrine pour se calmer, tapotant le micro dans le même temps, faisant exister aux oreilles du spectateur le rythme frénétique de son cœur.

Aurora n’a donc pas choisi de devenir une artiste. Pourtant, elle correspond à la définition la plus noble du terme. Elle chante, compose et est impliquée dans la totalité des étapes de production de ses chansons. Mais ce n’est pas tout. Elle dessine, peint et écrit. Son deuxième album, dont nous suivons la création dans ce documentaire, constitue une véritable unité de sens, dont l’ensemble des éléments raconte une seule et même grande histoire. Cependant, ce qui la rend admirable est aussi ce qui pourrait causer sa perte. Sa volonté de contrôle total lui rend difficile à supporter les décisions imposées par son manager. C’est ainsi que j’ai appris qu’elle haïssait sa chanson Conqueror, qui se trouve être l’une de mes préférées…

Once Aurora a donc remis pas mal de choses en questions dans mon esprit. Il nous interroge notamment sur notre rapport aux artistes. Nous pensons les connaître. Nous faisons des suppositions. Nous les pensons heureux de faire ce qui nous a fait les connaître. Leurs chagrins sont également célébrés, puisque potentielles sources d’inspiration pour une prochaine œuvre. Nous oublions que ce sont des humains et que leurs sentiments ne se figent pas une fois leur album sorti. Certains se croient en droit de réclamer certaines choses de leur part, comme cette admiratrice qui s’est placée au milieu de la route au Brésil pour empêcher le tour bus d’AURORA de passer. D’autres exigent des accolades de sa part. Mais Aurora déteste les étreintes et les interactions sociales la rendent anxieuse. Encore une fois, elle réagit d’une façon qui force le respect : « Je suis désolée, je déteste les câlins. Mais je t’aime bien, toi ! »

Enfin, j’ai été ravie de l’utilisation de ses chansons dans le documentaire. Je connais ces chansons-là par cœur, pourtant, dans ce contexte, toutes les paroles se revêtent d’un sens nouveau. Un sens qui m’émeut beaucoup. Alors qu’elle est sur scène après une crise de panique, elle chante
I Went Too Far (Je suis allée trop loin). Loin de sa Norvège natale, ce sera le refrain de Runaway (S’échapper) qui résonnera : « But now take me home/Take me home where I belong/I can’t take it anymore » (Ramène-moi à la maison à présent/Ramène-moi à la maison, l’endroit auquel j’appartiens/Je n’en peux plus).

J’ai beaucoup aimé Once Aurora puisqu’il m’a révélé la souffrance mais aussi le courage immense d’une artiste importante pour moi. Car Aurora continuera d’être AURORA, quoi qu’il en coûte. Comme elle le dit, la musique est cruciale et intemporelle. On est peu de choses, mais la musique ne mourra jamais.

Clémence Auzi.

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