VR noir vu par…

VR Noir : un scénario en un battement de cils

VR noir est une expérience de réalité virtuelle présentée dans le cadre du smart FIPA. Nous sommes plongés dans la peau d’une inspectrice privée new-yorkaise et c’est nous, spectateur, qui allons faire changer le scénario. En effet grâce aux mouvements de nos yeux le personnage peut récolter des indices, se déplacer ou interagir avec n’importe quel objet. Côté immersion, c’est déjà un grand bond en avant que nous offre cette expérience car jusqu’à présent la réalité avait (et a toujours) ses limites, mais évolue de manière très rapide afin de nous offrir les expériences virtuelles et sensorielles les plus immersives et réalistes possibles.

Luis Patard.

Free to rock, le rock américain vu par les Américains d’Amérique.

Une kyrielle d’éléments pourraient alimenter une critique positive de Free to rock. L’intérêt, et peut-être l’enjeu du documentaire, est le portrait qu’il fait non pas de la guerre froide, mais de l’un de ses prétendus illustres protagonistes : le rock. Un genre ayant traversé les actes répressifs et violents des autorités soviétiques qui souhaitaient le condamner.
Si le documentaire ne le dit pas clairement, c’est du camp américain que sera vue cette trajectoire, aussi regrettable que cela puisse paraître. L’occidentalisation musicale de l’URSS viendrait majoritairement, si ce n’est uniquement des Etats-Unis.
Cette absence assez brute de subtilité ne peut pas être imputée à une étroitesse d’esprit du réalisateur qui semble renseigné sur le sujet – douze ans pour le réaliser – et c’est là le point névralgique du documentaire.
Nous suivons l’odyssée égocentrique du rock’n’roll, menée par une voix off omniprésente qui écrase complètement la musicalité du documentaire. Nous écoutons aveuglément une histoire très synthétique, simplifiée et donc parfois inexacte. Les plans sans inspiration et les images d’archives pas toujours pertinentes s’enchaînent et sont oubliés à la seconde où ils disparaissent. L’américanisme du documentaire n’épargne aucun cliché : des interviews de Jimmy Carter surplombant trois drapeaux américains ou des élans patriotiques de mythiques groupes de rock américain envahissent en permanence l’écran. Le documentaire a la qualité de nous faire découvrir quelques groupes soviétiques mais n’en fait malheureusement pas profiter nos oreilles. Le rythme du documentaire se veut aussi rapide et violent que fut le rock d’antan mais finit par nous accabler tant il est répétitif. Si on ajoute les accusations sans preuves et inexpliquées du camp américain sur le camp russe, des raccourcis alarmants (Poutine associé à la liberté) et le manque de diversité de point de vue, on obtient une oeuvre prétentieuse et condescendante, qui ne suffit pas transmettre à ce qu’elle aurait dû partager : la démocratisation culturelle de l’URSS.

Milo Dumartin.

Pogledi zatvorenih očiju vu par…

Le film Pogledi zatvorenih očiju n’est pas construit grâce à l’image mais grâce au son. Les seules voix entendues sont celles de mal/non-voyants. Ils nous décrivent la façon dont ils perçoivent notre monde sans le sens de vue. L’un d’eux nous explique qu’il se repère avec le crissement des pneus sur le sol et les pas des autres piétons. Mais lorsque survient la pluie ou le vent alors le monde est flou, dénué de contours, un monde mélangé. Ces changements sont visibles à l’écran et à l’oreille bien sûr. Lorsque la pluie recouvre inexorablement le sol, tout apparaît flou et le vent cache en partie les paroles de cet homme non-voyant. Cependant l’ouïe permet, en l’absence de la vue, de découvrir un environnement sonore précis, riche et parfois poétique. Des tintements semblables à du verre mêlés à une musique douce et aérienne nous permettent de toucher du doigt la beauté du monde perçu par des gens qui n’ont pas la vie facile tous les jours.

Clément Desmoulin.

The Baulkham hills african ladies troupe vu par…

Au travers de son documentaire émouvant, Ros Horin, réalisatrice de « The Baulkham hills african ladies troupe », réussit à redonner la parole aux femmes qui l’ont perdue.
En effet, après avoir été victimes de sévices, quatre femmes africaines (Aminata, Rosemary, Yordy et Yarrie) vivent une vie difficile emplie de mépris pour leur corps et de  honte de leur passé qui les hante.
Ros Horin, présente tout au long du film par une voix off mais aussi au cours de la reconstruction psychologique de ces femmes, réussit à s’effacer pour les laisser emplir l’espace. De femmes détruites, nous découvrons à la fin de la projection de leur parcours,  et de la projection, des femmes épanouies, pleine de vie, soulagées de ce passé.
Une intimité est construite avec le spectateur lorsque ces femmes acceptent courageusement de partager leurs histoires. Elles nous apparaissent une à une face à la caméra pour nous adresser un message dans le secret de la salle de projection. Ponctués d’images d’archives, leurs témoignages saisissants nous émeuvent et nous font prendre conscience d’une réalité que nous connaissons peu.
De plus, la complicité établie entre ces femmes et la réalisatrice ne peut que rendre plus fortes les émotions transmises.
Ce documentaire retrace la construction d’une pièce de théâtre du même nom, dans laquelle ces ambassadrices communiquent leur vécu.
A la sortie de la salle, on ne peut qu’avoir envie de sauter dans le premier avion pour l’Australie et pour aller voir la pièce.

Charline Carbain.

Une caravane dans le désert vu par…

« Le dispositif est simple : une caravane est installée au milieu du désert. Un photographe convoque cinq artistes sous prétexte de réaliser une série de portraits. Les personnages arrivent, les uns après les autres, pour construire la Tunisie de demain : un graffeur, un religieux rappeur, un danseur et une danseuse, une vieille femme. Autant de visages de la Tunisie. Autant d’opinions différentes. »
Avec ce documentaire, le synopsis est important à rappeler, à relire, à interroger car les mots sont loin des faits. Le dispositif mis en place laisse entendre que nous allons nous retrouver face à six personnes, photographe compris, réunis afin de débattre sur la situation de leur pays post-printemps arabe et certainement créer, expérimenter ensemble autour des questions soulevées. Seulement l’art est ici mis de côté, transformé en prétexte pour attaquer une seule et unique problématique, celle de la religion et de la radicalisation islamique.
Les portraits de quatre des cinq artistes nous sont peints. Un problème : alors qu’ils nous sont tous présentés par leur art, l’un se distingue car désigné comme salafiste. Jamais il ne se détachera de cette catégorisation, jamais son propos ne sera mis en perspective. Seul face aux autres, sa foi est la tache noire à nettoyer, à éradiquer. La parole se libère par le conflit, tout est fait pour porter un regard accusateur sur cet homme. Le jeu de la provocation est fort que cela soit par les mots ou encore par la danse ; la jeune danseuse réalise une performance devant les quatre autres protagonistes sachant pertinemment que les premiers textes coraniques condamnent cette pratique. Elle affirme sa position, la personne qu’elle est grâce à son art dans l’irrespect ou du moins la non prise en compte des convictions d’autrui. Cela lance alors le débat qui aurait pu se dérouler dans la bienveillance des points de vue, seulement le choix de la confrontation est fait et ne permettra à aucun moment de faire avancer les pensées.
Le traitement du film et les partis pris de la réalisatrice vont bien évidemment dans ce sens. La mise en scène est flagrante, détachant le salafiste des artistes jusque dans leurs placements lors des discussions ; les quatre sont sur un banc, en ligne, le dernier face à eux, seul. Un système de confessionnal est mis en place dans la caravane, habituellement associé à la télé-réalité afin que les protagonistes puissent exprimer leur sentiment. Jamais le salafiste n’y participera. Une forte dramatisation est portée par la musique symphonique, très présente tout au long du film qui sacralise l’œuvre et fatalise d’autant plus le propos religieux.
Il est certain que la radicalisation par la montée de l’Etat islamique est un problème majeur dans ce pays. L’erreur du monde occidental a été de croire qu’une fois la révolution soit la guerre civile du printemps arabe passée, l’Etat islamique accepterait la démocratie. Hélas, ces deux systèmes politiques sont incompatibles et nous amènent à la situation de conflit que nous connaissons à l’heure actuelle. Seulement, le monde ne se veut pas manichéen et il semble impossible que l’évolution des mentalités n’ait pas amené à des questionnements et des remises en cause plus vastes que cela soit identitaire, idéologique, culturel, politique. Tous ces domaines se rencontrent autour de la religion mais peuvent également la surpasser et il est fort regrettable qu’ils n’y soient pas parvenus.
Alors, il est clair que les idées et doctrines de pensée du salafiste sont extrêmes, révoltantes, condamnables, mais la mise en scène dirigée dans un sens accusateur plombe le propos du documentaire et nous nous retrouvons contraints d’observer des gens se débattre pour affirmer leurs idées, s’entendant, jamais s’écoutant.

Chloé Garcia.