Ramona vu par…

Des personnages attachants et une histoire entraînante

Au Chili, à la fin des années 60 a lieu une importante réforme agraire. C’est dans ce contexte que commence Ramona. Deux jeunes sœurs, Ramona et Helga, fuient la campagne et la maison de leur père, violent et alcoolique, juste après la mort de leur mère. Elles arrivent à Santiago du Chili où elles se retrouves confrontées à la pauvreté. Elle font alors la connaissance de Carmen, une prostituée, qui décide de les prendre sous son ailes et de leur offrir un semblant de famille alors que toutes les trois vivent dans un bidonville et gagnent leur vie comme elles peuvent.
Les deux premiers épisodes diffusés lors du FIPA placent bien l’histoire dans son contexte en montrant avec justesse la misère et l’important exode rural qui a lieu à cette époque. Ils apportent aussi une jeunesse et une fraîcheur au monde des séries. En effet, les personnages principaux sont exclusivement féminins et l’âge de l’aînée ne doit pas dépasser les trente ans. Ensemble, elle forment un trio éclatant et soudé dans lequel Ramona et Helga se voient enseigné le rude mode de vie de la ville.
Le fait que les personnages masculins soient relégués au second plan les montre sous leur « vraie nature ». En effet ils nous sont montrés comme étant profiteurs, allant jusqu’à abuser de l’ignorance de la vie en ville des deux jeunes filles, alcooliques, adultères.
A la fin de la projection on ressort déçu car on aurait aimé que cela dure plus longtemps tant le fil de l’histoire, par sa construction et son intrigue, nous donne envie de voir la suite.

Antoine Boudou.

Im Efogsh kosem vu par…

Im Efogsh kosem (Si je rencontre un magicien) de Shaked Goren, issu de la Minshar School of Art, est un film dont la beauté esthétique n’a d’égale que sa puissance de montage.
A travers l’histoire du réserviste Omri, Goren met en place avec brio un véritable théâtre d’ombres et de lumières, qui viennent sublimer les scènes d’un récit intense et délicat.
Contrastes, reflets, couleurs, scintillements, tout se mélange dans les mains du réalisateur qui, armé de sa palette, peint son cadre avec raffinement et subtilité, à l’image d’un peintre esquissant un portrait.
Le portrait d’Omri, un jeune soldat israélien portant dans son regard de nombreuses questions existentielles comme l’orientation sexuelle, la frustration, la réticence et l’intégrité.
Reflet de sa pensée, la lumière danse et pulse autour de lui lorsqu’il désire, l’enveloppe et le couve d’une lumière solaire lorsqu’il pense, guide ses pas en filaments lorsqu’il marche et s’éteint finalement quand il s’oublie.
Véritable métaphore de la tourmente émotionnelle du personnage, la lumière prend encore une autre dimension, lors d’une scène où Omri observe sur un mur des ombres humaines marchant en file indienne jusqu’à lui.
Par un plan fixe laissant le temps à l’image de s’imprimer sur la rétine du spectateur, de se frayer un chemin jusqu’à son cœur, et par un ingénieux procédé sémiologique, la lumière ne devient alors non plus représentante d’Omri, mais de l’évolution humaine tout entière.
Lumière qui prendra également un rôle salvateur, puisque c’est elle qui mènera Omri vers les réponses qu’il cherche en la personne d’un musicien, qu’elle nimbera dans la pénombre, à l’image d’un phare fendant les ténèbres de la nuit.
Le tout associé à une justesse de montage sonore et rythmique, faisant écho à la puissance poétique de l’image, font de Im Efogsh kosem une véritable réussite et de Shaked Gorem, une personne dont on n’a pas fini d’entendre parler.

Oyhan Latxague.

Australia’s shame vu par…

Australia’s Shame est un documentaire qui porte sur le traitement atroce que subissent les enfants aborigènes dans les prisons d’Australie, telles que la prison Don Dale. Le sujet de ce documentaire est grave et poignant, mais malheureusement dénigré par une construction maladroite du film et une mauvaise répartition du temps de parole disponible.
En effet, le montage du documentaire coupe la parole aux sujets du film. La présence et la parole de ces témoins est d’abord coupée à l’image durant les interviews, par l’utilisation d’un champ-contrechamp constant entre les aborigènes interviewés, et la journaliste. Cependant, il n’y a  aucun intérêt particulier à voir la journaliste lorsqu’elle pose des questions, à part l’utilité basique de montrer le visage de la personne qui parle, et sans compter certains plans des interviews dans lesquels on la voit alors qu’elle n’intervient même pas.
Elle est également présente à l’écran sur des plans en caméra épaule qui la montrent en train d’entrer dans la prison, de montrer les cellules dans lesquelles les enfants étaient isolés… Et même lorsqu’elle interroge un des adolescents via Skype, le montage de cette séquence inclut à répétition des plans d’elle devant son ordinateur, et des plans chez l’adolescent interrogé dans lesquels on ne le voit qu’en amorce et de dos ou de 3/4 alors qu’on la voit elle sur l’ordinateur, surcadrée par les lignes de l’écran.
Le temps d’apparition des personnes à l’écran est monopolisé par la journaliste plutôt que par les personnes qu’elle interviewe et qui sont censées être le sujet même du documentaire. L’utilisation à outrance des plans qui la montrent dans le montage ne sert qu’à renforcer la présence de la journaliste de façon totalement illogique en en faisant la protagoniste d’un documentaire qui cherche à dénoncer les violences faites aux aborigènes.
En effet, même lorsque l’on sort des interviews et que le montage inclut des images d’archives des caméras de sécurité de la prison, c’est la voix de la journaliste qui prend encore une fois le dessus à défaut de sa présence à l’image.
La voix est constamment présente dans ce film. On peut entendre les différentes voix des personnes interviewées, mais en très grande majorité la voix de la journaliste, durant les interviews mais surtout en voix off, une voix off qui prend le relais dès que les personnes à l’écran s’arrêtent de parler.
Il n’y a ainsi quasiment pas un moment sans aucune voix dans ce film, ce qui fait que l’esprit du spectateur est constamment dirigé par une voix qui le fait regarder là où elle souhaite qu’il regarde. Le spectateur n’a pas le temps ni le loisir de réfléchir à ce qu’il voit car la voix off le lui dit avant, elle décrit tout ce qu’il voit déjà à l’écran, dramatisant chacune des images ou évènements du film de telle sorte que le sujet perd de sa gravité en devenant presque une parodie d’un mauvais reportage de journal télévisé avec une voix off semblable à celle d’un automate, ou à une audio-description pour mal-voyants.
Cette accentuation du drame fictionnalise le sujet du documentaire en le désancrant de la réalité dans laquelle il est pourtant bien inscrit.
De plus, la voix qui est la plus envahissante et qui a le plus de temps de parole dans ce film est la voix de la journaliste, à la fois en son in et en voix off, une voix qui n’a pas vécu ce dont elle parle et qui ne ne laisse que peu de place et de temps de parole aux voix des personnes qui ont vécu l’isolement et la torture de Don Dale, et qui sont celles que l’ontsouhaiterait vraiment entendre.
L’histoire de ces enfants et adolescents est déchirante et inhumaine, et mérite évidemment que l’on en fasse un documentaire, mais un documentaire dans lequel leur parole est entendue et leur histoire expliquée comme elle se doit de l’être.

Juliette Musch.

Australia’s shame vu par…

J’ai visionné le documentaire Australia’s shame, qui parlait de la maltraitance des enfants dans les prisons australiennes. Ce documentaire était en soi très intéressant, actuel et avec de réels enjeux politiques et humains, il a d’ailleurs eu un fort impact sur le gouvernement australien. Mais un souci  nuit selon moi beaucoup à la qualité du programme : il se donne un style très tape à l’œil, voulant impressionner a tout prix. Ce problème se situe au niveau de la forme car le fond lui est très travaillé et repose sur des bases solides. Le souci de la forme en revanche est qu’elle est très maladroite : des plans exagérés sur les lieux avec effets visuels, des propos tenus ne correspondant pas exactement aux images, une voix off extrêmement stéréotypée. Tous ces éléments viennent nuire à la qualité de ce documentaire qui aurait pu être bien meilleur étant donné son intention de départ.

Rémi Tanchaud.

An eye for an eye : comment j’ai pleuré pour un terroriste

Septembre 2001, peu après l’attentat du 9/11. Le Texan Marc, blanc, couvert de tatouages, père de quatre enfants de deux mères différentes, à la moustache odieuse et au T-Shirt de la Waffen SS, décide d’aller tuer des musulmans, pour venger l’Amérique. Il tue deux personnes et blesse quasiment mortellement une troisième. Finalement, l’un deux était Indien et était donc aussi peu originaire du Moyen-Orient que Marc lui-même; et Marc se retrouve condamné à mort par l’état du Texas qu’il chérissait tant.
Et c’est là que le réalisateur Ilan Ziv entre en jeu puisqu’il va donner à cet homme ce que lui-même avait du mal à imaginer: de l’amour. Au travers de ce documentaire, ils correspondent, par lettres et par conversations filmées, et on redécouvre ce qu’on avait appris à oublier: personne ne naît un monstre. Marc réalise son ignorance passée et mieux encore, la victime qui a survécu, Rais, milite jusqu’en Europe pour tenter de le sauver.
Jusqu’à la dernière minute, tous deux vont défier nos a priori et transmettre un véritable message d’amour et d’espoir, jusqu’à ce que ce soit la voix de Marc lui-même qui tente de nous apaiser alors que toute ma rangée et moi essayons de ne pas pleurer (et échouons d’ailleurs misérablement).
Je n’aurais jamais cru pleurer pour un coupable de crimes racistes odieux, mais je réalise maintenant que dans notre monde de l’instantanéité et de médias toujours plus grossiers, ranger quelqu’un dans une case et crier à la vengeance est beaucoup plus facile que de prendre du temps et donner une deuxième chance à un « monstre ».
Pour finir, je lie ce film à Quartier impopulaire où le réalisateur s’investit auprès de jeunes musulmans dont l’un a aussi l’occasion de montrer qu’il a changé, ce qui ne nous est donné à voir que trop peu souvent.

Pauline Racz.

Ambulance vu par…

Est-ce que la vie est belle ?
Une question prise à cœur après avoir vu ce film. Loin de tout malheur, on ne se rend pas bien compte de la réalité, et de tout le mal que le monde peut engendrer.
En effet à Gaza en Palestine, en plein conflit israélo-palestinien, en juillet 2014, un homme (le réalisateur) embarque sa caméra et suit une équipe d’ambulanciers. Nous voilà plongés au cœur des hostilités dans cette ville qui vit avec la peur de la mort. Les bombardements sont incessants. Les appels à l’aide,les morts, les blessés exigent des ambulanciers une présence importante pour la population. Ils risquent leur vie pour sauver leur ville.
Le cadrage à la première personne nous montre la réalité du conflit. Sans cesse en mouvement, entre cris et explosions, de jour comme de nuit, nous vivons l’effort de ces personnes dévouées. Le stress et la peur du risque que nous dévoilent les images de ce reportage peuvent nous mener à croire que nous assistons à une fiction car l’action est omniprésente; des explosions, des sons alarmants, et une population dans une panique permanente. La nuit, l’ambiance sombre et ténébreuse, avec en contraste les lumières de la ville constamment agitée, bouleverse et oppresse. La lumière rouge et sanglante des ambulances, sur les murs de la ville, sur les visages paniqués, effraye les sentiments. Après la précipitation, l’angoisse des cris des blessés. Sous une lumière froide et artificielle, dans l’ambulance et l’hôpital; c’est au tour de la tristesse de se plonger dans nos corps.
Ce film demande du courage, et il permet de nous faire prendre conscience de qu’on ne voit pas concrètement dans le confort de notre vie. Le fait d’être à la place du réalisateur nous permet d’être acteurs, habitants de Gaza. C’est un film aux moyens les plus simples, mais aux messages les plus forts. Je recommande ce reportage, c’est une belle prise de conscience. La vie n’est pas forcément si belle que ça.

Hugo Salban-Crema.