Souvenir

Le souvenir est compliqué à reconstruire. Il est souvent bref et approximatif.

De nombreux films au Fipadoc sont construits à partir de témoignages. Suite à la projection, le spectateur garde son propre souvenir du film. Les documentaires s’inscrivent donc en nous à partir de « souvenirs de souvenirs ». Celui du film et celui du témoin. On peut alors parler de la construction d’une réalité parallèle. La vérité que proclame le genre documentaire, souligné par le générique du Fipadoc, n’est peut-être pas si exacte que cela !

Alors on peut s’interroger sur : que retient-on d’un film documentaire ?

Je pense qu’un documentaire est marquant par sa capacité à émouvoir. La dimension du sensible dans le documentaire est cruciale pour s’en souvenir. Il devient marquant par sa réalisation et non son sujet. La réalisation est un exhausteur de sensations. Fiction et documentaire ne sont donc pas si éloignés que cela !

Linda un printemps, dans la catégorie Jeune création, a su retenir mon attention. Ce documentaire détient une force dans la représentation, avec de magnifiques couleurs, des personnages sublimés par la caméra. Ce film m’a touché en me rappelant des instants de vie familière. On pourrait le rapprocher au travail de John Mekas.

Je pense aussi à Abbas by Abbas, un film sur un reporter de guerre. Kamy Pakdel nous présente ce photographe en fin de vie. Ce film n’est pas un compte-rendu de la vie du photographe, mais un échange de sentiments. On ressent le partage qui a eu lieu entre le photographe et le réalisateur. Ils parlent des photos des conflits couverts par Abbas, mais on y trouve aussi des moments de légèreté. Les rires sont permis au spectateur ! Il est donc fait usage de nos émotions les plus éloignées les unes des autres. 

En reprenant le principe d’une vérité pirandellienne, on peut maintenant affirmer « à chacun son souvenir ».

Thomas Castellani.

The Deminer vu par Enzo Beltrame

Je suis donc allé à la gare du midi voir The Deminer. Le film commence par un homme, qui désamorce nonchalamment vraisemblablement des bombes.

Le film parle donc du colonel Fakhir, très doué pour désamorcer les bombes, tâche à laquelle il va entièrement se consacrer. Son objectif : déminer au maximum Mossoul et ses environs, équipé uniquement d’un couteau et d’une pince.

C’est un homme qui a voué sa vie à son métier : même après qu’une de ses jambes a été soufflée par une explosion et qu’il a été interdit d’armée, il s’est posé une simple prothèse en plastique et a réintégré l’armée.

Le film est très touchant, et le protagoniste est extrêmement attachant, alors qu’il ne prononcera aucune parole directement à la caméra, ou au spectateur. Aucune interview. Et c’est de là que vient la force du film : Fakhir nous parle avec ses actions, et non pas avec ses paroles.

Le film est le plus bel hommage possible pour cet homme, qui est mort en héros, et surtout, comme il le voulait.

« Je continuerai de faire ça aussi longtemps que je vivrai ».

Enzo Beltrame.

Once Aurora vu par Clémence Auzi

Aurora est une jeune artiste norvégienne. Sa voix cristalline et son univers hors du commun – que j’ai instinctivement envie de qualifier d’elfique à cause de l’aura particulière de la chanteuse et de son rapport étroit à la nature – ont fait d’elle il y a quelques années une icône de la musique pop dans le monde entier. Hélas, si ses chansons ont bercé mon adolescence, elles lui ont arraché la sienne. A à peine vingt ans, Aurora, la jeune fille, a disparu derrière AURORA, l’artiste.

Grâce à des séquences au montage rapide et saccadé, Once Aurora illustre le succès fulgurant de cette jeune fille qui subit quotidiennement une célébrité qu’elle n’a jamais désirée. A seize ans à peine, l’un de ses amis poste sur Internet une vidéo d’elle performant une chanson originale. La vidéo devient virale et un producteur de musique décide qu’il fera d’elle une artiste – une star. « C’est arrivé comme ça. Je n’ai jamais voulu être une artiste », explique-t-elle.

Le documentaire nous propose ainsi un regard dans les coulisses de l’artiste, presque par le trou de la serrure, faisant de nous des spectateurs intrusifs de son intimité. En effet, Aurora cède à plusieurs crises de pleurs et de panique devant la caméra, alors même qu’elle a pris soin de s’isoler du reste de son équipe. Elle supporte mal les tournées, la pression des concerts et des rencontres avec les fans. Le portrait dressé est bouleversant car ma vision en tant que « fan » s’était toujours limitée au sourire qu’elle force pour ses admirateurs. Inutile de dire que je ne soupçonnais pas ses fréquentes crises d’angoisse en coulisses. Ces scènes sont d’autant plus poignantes qu’elles sont appuyées par une bande sonore révélatrice du tumulte de ses sentiments. La réverbération, c’est l’étourdissement. La panique, ce sont des bruits inquiétants, acousmatiques et non identifiés (voire non identifiables). La scène d’anxiété la plus marquante la met en scène en train de se frapper la poitrine pour se calmer, tapotant le micro dans le même temps, faisant exister aux oreilles du spectateur le rythme frénétique de son cœur.

Aurora n’a donc pas choisi de devenir une artiste. Pourtant, elle correspond à la définition la plus noble du terme. Elle chante, compose et est impliquée dans la totalité des étapes de production de ses chansons. Mais ce n’est pas tout. Elle dessine, peint et écrit. Son deuxième album, dont nous suivons la création dans ce documentaire, constitue une véritable unité de sens, dont l’ensemble des éléments raconte une seule et même grande histoire. Cependant, ce qui la rend admirable est aussi ce qui pourrait causer sa perte. Sa volonté de contrôle total lui rend difficile à supporter les décisions imposées par son manager. C’est ainsi que j’ai appris qu’elle haïssait sa chanson Conqueror, qui se trouve être l’une de mes préférées…

Once Aurora a donc remis pas mal de choses en questions dans mon esprit. Il nous interroge notamment sur notre rapport aux artistes. Nous pensons les connaître. Nous faisons des suppositions. Nous les pensons heureux de faire ce qui nous a fait les connaître. Leurs chagrins sont également célébrés, puisque potentielles sources d’inspiration pour une prochaine œuvre. Nous oublions que ce sont des humains et que leurs sentiments ne se figent pas une fois leur album sorti. Certains se croient en droit de réclamer certaines choses de leur part, comme cette admiratrice qui s’est placée au milieu de la route au Brésil pour empêcher le tour bus d’AURORA de passer. D’autres exigent des accolades de sa part. Mais Aurora déteste les étreintes et les interactions sociales la rendent anxieuse. Encore une fois, elle réagit d’une façon qui force le respect : « Je suis désolée, je déteste les câlins. Mais je t’aime bien, toi ! »

Enfin, j’ai été ravie de l’utilisation de ses chansons dans le documentaire. Je connais ces chansons-là par cœur, pourtant, dans ce contexte, toutes les paroles se revêtent d’un sens nouveau. Un sens qui m’émeut beaucoup. Alors qu’elle est sur scène après une crise de panique, elle chante
I Went Too Far (Je suis allée trop loin). Loin de sa Norvège natale, ce sera le refrain de Runaway (S’échapper) qui résonnera : « But now take me home/Take me home where I belong/I can’t take it anymore » (Ramène-moi à la maison à présent/Ramène-moi à la maison, l’endroit auquel j’appartiens/Je n’en peux plus).

J’ai beaucoup aimé Once Aurora puisqu’il m’a révélé la souffrance mais aussi le courage immense d’une artiste importante pour moi. Car Aurora continuera d’être AURORA, quoi qu’il en coûte. Comme elle le dit, la musique est cruciale et intemporelle. On est peu de choses, mais la musique ne mourra jamais.

Clémence Auzi.

The Wind vu par Aldric Rat

The Wind nous propose un voyage dans une des régions isolées de Pologne où la nature reprend ses droits.

Michal Bielawski nous propose une nouvelle forme de documentaire en nous montrant le quotidien de trois personnes dans ces montagnes enneigées. Il renonce aux interviews et aux faits historiques pour chercher la proximité et nous propose de nous faire notre propre avis sur la situation de la région.

Le choix de trois personnes différentes avec leur propre quotidien nous permet de nous évader encore davantage dans la région et de découvrir par quels moyens ils doivent survivre dans une zone menacée par les grands vents mais aussi de les découvrir dans leur vie de famille.

Les plans de la nature sont magnifiques :  le sol pour explorer la faune et la flore et  les sommets enneigés là où le froid et le risque sont présents. C’est une réelle évasion au coeur de la Pologne, un voyage.

Le travail fait sur les ambiances, les musiques et les voix est à noter. On ressent la puissance que peut avoir le vent qui crée une tension durant tout le film, on entend le danger. La musique accompagne les plans et nous sommes en immersion dans les plans proposés. Quant à l’équipe de tournage, elle n’intervient pas directement et nous laisse voir les personnes dans leur réalité. Les dialogues sont donc sans mise en scène et par conclusion l’immersion est là.

Le documentaire propose une expérience par sa forme. Ce n’est peut-être pas le meilleur dans sa catégorie mais le travail est là et le message transmis est compris : nous évader, sortir de notre quotidien pour aller voir la vie ailleurs.

Aldric Rat.

Les lycéens, le traître et les nazis vu par Baptiste Soulès

Pendant la 2ème  guerre mondiale, des lycéens de la région parisienne s’engagent dans la résistance contre la gestapo et les nazis. Dans leur groupe de résistants, Corps francs Liberté, un traître, André, donne des informations importantes sur leur organisation aux Allemands.

‪Le 6 juin,‪ jour du débarquement, ils quittent la région parisienne et partent dans une ferme près d’Orléans. Un Français collaborant avec la gestapo les trouve  dans cette ferme où ils sont capturés la nuit du 9 au 10  juin puis  exécutés le 10 Juin ‬.

Un véritable massacre qui m’a vraiment marqué et qui me marquera longtemps. Cette nuit-là , 41 lycéens sont exécutés et enterrés par les Allemands.

J’ai bien aimé ce film car il mélange les archives et documents d’époque et le témoignage des lycéens, enfin des acteurs, qui commentent ce que nous voyons dans les archives et le tournage.

La dernière scène m’a vraiment ému : c’est un hommage dans la forêt où ils ont été abattus, devant une tombe avec tous leurs noms et visages, et sur la musique du Chant des partisans

Baptiste Soulès.

Abbas by Abbas vu par Jules Laveau

Abbas by Abbas est un documentaire de Kamy Pakdel, dans lequel nous découvrons l’histoire d’un photographe de guerre iranien qui s’est déplacé sur tous les plus grands événements de l’histoire : guerres, manifestations… Nous y découvrons toute sa vie avant qu’il ne  prenne sa dernière photo.

En lisant le résumé de ce documentaire, je m’attendais à un film classique, mais en prenant du recul je me suis dit qu’ayant travaillé les photographes de guerre en cours, aller le voir était peut-être une bonne idée. En revanche, je ne m’attendais pas à voir un film si poignant. En effet, dès le début se manifeste la force de cet homme qui accepte de faire un documentaire sur lui-même alors que sa fin est proche car selon lui «ce genre de film se tourne avant de mourir». Ayant peu de temps pour réaliser son tournage, Kamy Pakdel a basé le film sur dix thèmes, choisis par Abbas. Ce film rassemble technique, communauté, et émotion; grâce à cela nous vivons le film à travers les obturations de l’appareil photo d’Abbas jusqu’à son dernier flash.

Ce documentaire est ma révélation et mon coup de cœur du festival, car nous y  trouvons l’histoire d’un homme qui a photographié des moments horribles, joyeux, tristes… Mais aussi  la force d’un homme qui parvient à se tenir devant une caméra malgré la maladie, sans se plaindre.

Jules Laveau.

The Cave

Amani,
Je ne sais pas si tu recevras cette lettre un jour étant donné la situation actuelle. Tu es la femme le plus courageuse qu’il m’a été donné de voir. Tu as vu tellement d’horreurs… J’espère qu’un jour tout ça s’arrêtera, et que tu pourras avoir la vie dont tu rêve et que tu mérites.
As-tu encore confiance en l’homme avec tout ce que tu as vu ? Il fait tellement de mal à ses semblables, à la planète. Je me demande s’il reste encore de l’espoir avec tout ce que j’ai pu voir en 102 minutes.
Il faut des gens aussi dévoués que toi, des femmes comme toi, qui, malgré leur situation en Syrie, se donnent corps et âme pour vivre et faire vivre les autres.
Noélie Bourgeois.

Surf the line vu par Mathieu Dachaguer

Je n’ai pas aimé Surf The Line, je n’ai pas réussi à accrocher à ce documentaire. En soi, l’idée du projet était intéressante et originale mais  je l’ai visionné après The Deminer, documentaire très poignant. Or là, je n’ai pas eu cette accroche. Il m’a semblé que la musique n’était pas en adéquation avec le documentaire, qu’elle avait tendance à trop dénaturer les scènes : par exemple, dans le passage où l’on apprend la mort de leur amie, la musique n’est pas du tout en adéquation avec la scène (je ne dis pas qu’il faut dramatiser la scène avec une musique triste) et elle donne même l’impression que les personnages sont déconnectés de la réalité. C’est l’inverse avec The Deminer, où il y a très peu de musique et les scènes nous apparaissent au naturel, et c’est ce qui nous prend aux tripes avec ce sujet, où nous sommes confrontés à la réalité.

Mathieu Dachaguer.

Jeunes créations…

Le festival Fipadoc anime la ville de Biarritz pendant une semaine en Janvier, amenant de nombreux réalisateurs de documentaires, des producteurs et aussi de jeunes festivaliers venus découvrir le monde du documentaire.

Une catégorie a retenu mon attention, celle de la “jeune création”, qui regroupe des courts et moyens métrages d’écoles réalisés en 2018 et 2019. Toutes les projections se passent à la Gare du Midi, mais pas dans la salle principale. Ce qui peut nous questionner sur la place que tient la catégorie “Jeune Création” au sein du festival Fipadoc.

En effet, toutes les projections ont lieu dans la petite salle Gamaritz, avec seulement une centaine de places, contrairement aux grandes salles du Casino, de Bellevue ou celle du cinéma Royal.

Je pense que les “jeunes créations” devraient avoir plus d’importance, notamment à travers les salles de projection, ce qui aurait pour résultat de motiver davantage les jeunes réalisateurs et en tant que jeune spectateur de se sentir plus concerné par le festival.

D’un autre côté, voir autant de jeunes réalisateurs être à l’origine de tels projets est motivant pour les étudiants que nous sommes, en montrant que nous aussi nous pouvons devenir des réalisateurs, que chacun a une chance de réussir dans notre domaine.

Hugo Coutant.